Cibler l'intestin peut être le moyen de réduire les effets secondaires cérébraux de la chimio et de réduire le chemobrain, conclut à nouveau cette équipe de l’ Ohio State University. Ces travaux, présentés dans les Scientific Reports identifient pour la première fois des changements spécifiques dans les muqueuses et le microbiote intestinal, associés à l'inflammation dans le cerveau. Ces conclusions ouvrent la voie aux thérapies de régulation des bactéries intestinales, non seulement pour calmer les effets secondaires de la chimiothérapie comme les nausées et la diarrhée, mais aussi pour réduire les problèmes cognitifs éprouvés par de nombreux survivants du cancer.
On sait que la chimiothérapie peut altérer la fonction gastro-intestinale via le microbiote et induire des effets secondaires néfastes sur les systèmes nerveux et immunitaire. Par ailleurs, les études sont aujourd’hui nombreuses à avoir documenté une association entre l’altération des bactéries commensales et certains déficits comportementaux. Mais on ignore encore si la modification du microbiote intestinal pourrait permettre de réduire l'effet chemobrain associé à la chimiothérapie.
Utiliser l’axe intestin-cerveau pour réduire le chemobrain
Dans cette étude menée chez la souris, les scientifiques de l’Ohio identifient plusieurs réactions chez des souris recevant du paclitaxel, un agent chimiothérapeutique courant. Des changements précis dans les bactéries et tissus intestinaux interviennent simultanément aux modifications observées dans le sang et le cerveau. Ces modifications concomitantes du comportement, de l'activation immunitaire centrale et périphérique, de l'histologie du côlon et de la structure de la communauté bactérienne chez ces souris traitées par chimiothérapie, confirment une nouvelle fois le fameux axe intestin-cerveau, mais laissent aussi espérer l’efficacité d’interventions ciblées sur le microbiote pour contrer ces effets.
Dans cette étude, des souris femelles ont reçu 6 injections de paclitaxel, et des souris témoins des injections placebo. Par rapport aux témoins, les souris traitées perdent du poids et présentent des signes de fatigue. Leurs performances aux tests suggèrent également une perte de mémoire. Les communautés bactériennes du microbiome intestinal sont modifiées et la muqueuse recouvrant le côlon s’est développée. Les scientifiques identifient des protéines spécifiques dans le sang et dans le cerveau, ainsi que des cellules immunitaires activées dans le cerveau caractéristiques d'une réponse en cours du système immunitaire.
La séquence d'événements suggère que tous ces changements physiologiques sont liés : l'intestin montre des signes de perméabilité et des fragments bactériens s’en échappent, ce qui déclenche la réponse immunitaire. Lorsque le cerveau détecte l'activation du système immunitaire, il réagit de la même manière, avec sa propre inflammation. Cette inflammation cérébrale induit les symptômes de brouillard mental ou chemobrain. L’équipe relève par ailleurs l’abondance inhabituelle de plusieurs espèces bactériennes, induite par le paclitaxel et associée à l'activation de la microglie dans le gyrus denté et le cortex préfrontal. Ces données suggèrent que la chimiothérapie affecte simultanément le microbiome intestinal et la microglie, ce qui confirme, écrivent les scientifiques dans leur communiqué, l’axe microbiote-cerveau. « Chaque fois que la chimiothérapie réduit les bactéries intestinales, cette réduction impacte les cellules du cerveau ».
Réguler le microbiote pour apaiser le cerveau ? La recherche est la première à identifier ces événements combinés dans le cadre de la chimiothérapie et ouvre l'espoir qu'une régulation des bactéries intestinales pourrait non seulement calmer les effets secondaires de la chimiothérapie comme les nausées et la diarrhée, mais aussi réduire les problèmes de mémoire et de concentration relevés chez les survivants de nombreux cancers.
D’autres recherches seront nécessaires pour mieux comprendre comment le tube digestif chimio-modifié influence le cerveau. «C’est la première fois que l’on cherche à comprendre ce lien entre symptômes intestinaux et symptômes comportementaux associés à la chimiothérapie», relève l’auteur principal, le Dr Leah Pyter, professeur de psychiatrie et de santé comportementale à Ohio State. La confirmation de cette corrélation pourrait conduire à des interventions alimentaires par probiotiques, prébiotiques et greffe de selles.
L’idée étant de promouvoir à nouveau les bonnes bactéries et de protéger ainsi le cerveau du risque d’inflammation.
Source: Scientific Reports 11 November 2019 Chemotherapy-induced neuroinflammation is associated with disrupted colonic and bacterial homeostasis in female mice
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