C’est une étude supplémentaire qui vient confirmer le rôle de médiation essentiel du microbiote intestinal dans l’efficacité de certaines thérapies anticancéreuses. Les chercheurs du Lawson Health Research Institute (Western University, Ontario) illustrent ici le rôle du microbiome intestinal dans la réponse à un médicament oral chez les patients atteints d'un cancer de la prostate. Ces nouvelles données, publiées dans Nature Communications, mettent en évidence ici la façon dont le principe actif (ici l'acétate d'abiratérone/Zytiga®) est métabolisé par les bactéries intestinales de manière à réduire les organismes nuisibles et à favoriser les organismes qui combattent le cancer.
« Notre recherche illustre la manière dont le microbiome humain peut influencer le développement, la progression et le traitement du cancer », explique l’auteur principal, Brendan Daisley, chercheur à la Schulich School of Medicine & Dentistry de la Western University. L’étude met en effet en évidence une interaction clé entre un médicament anticancéreux et le microbiome intestinal, qui se traduit par la production de composés bénéfiques aux propriétés anticancéreuses.
Un des nombreux exemples de la façon dont le microbiome influence notre réponse aux médicaments
Les thérapies traditionnelles du cancer de la prostate vont priver le corps d'hormones androgènes, responsables de la croissance du cancer de la prostate. Cependant, ces thérapies de privation d'androgènes ne sont pas toujours efficaces et dans certains cas d’autres thérapies doivent être explorées : l'acétate d'abiratérone fait partie de ces thérapies alternatives et le médicament se montre très efficace dans le traitement du cancer de la prostate réfractaire à d'autres traitements. Si l'acétate d'abiratérone vise également à réduire les androgènes dans le corps, il le fait par un mécanisme différent et, contrairement aux thérapies traditionnelles, le médicament est pris par voie orale.
Prise par voie orale, implication du tractus intestinal : les médicaments pris par voie orale et qui traversent le tractus intestinal, entrent directement en contact avec les milliards de micro-organismes du microbiote intestinal. Il est donc primordial de se poser la question de leurs interactions possibles avec le microbiome intestinal.
L’étude est ici menée auprès de 68 patients atteints d'un cancer de la prostate, dont un groupe de participants traités avec l'acétate d'abiratérone et un groupe de patients traités avec des thérapies traditionnelles de privation d'androgènes. L'équipe a recueilli et analysé des échantillons de selles de patients. Cette analyse constate que :
- les microbiomes intestinaux des patients changent radicalement après la prise du médicament ;
- les bactéries intestinales métabolisent le médicament, ce qui entraîne l’augmentation significative d'une bactérie en particulier, appelée Akkermansia muciniphila : cette bactérie considérée comme un «probiotique de nouvelle génération», a déjà été impliquée dans plusieurs grandes études sur le cancer. Il a déjà été suggéré que la bactérie favorise une meilleure réponse aux médicaments d'immunothérapie anticancéreuse et peut également générer un large éventail d'autres avantages pour la santé ;
- cette augmentation des niveaux d’Akkermansia muciniphila conduit à une production accrue de vitamine K2, connue pour ses propriétés anticancéreuses car pouvant inhiber la croissance tumorale ;
- l'appauvrissement des androgènes induit d’autres modifications flagrantes sur le microbiome, la diminution logique des organismes utilisant des androgènes.
Le microbiome intestinal joue donc clairement un rôle dans la réponse au traitement, à travers différentes interactions qui doivent encore être précisées. Les identifier va permettre de mieux exploiter le microbiome pour améliorer les résultats du traitement pour toute une variété de maladies.
« Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, nous serons prochainement en mesure d'analyser le microbiome d'un patient pour déterminer le meilleur traitement ou même moduler le microbiome pour améliorer sa réponse au traitement. Une nouvelle frontière de la médecine personnalisée sera ainsi franchie ».
Source : Nature communications 24 September 2020 DOI : 10.1038/s41467-020-18649-5 Abiraterone acetate preferentially enriches for the gut commensal Akkermansia muciniphila in castrate-resistant prostate cancer patients
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