Cette équipe de l’École de médecine de l'Université de Washington vient de comprendre pourquoi l’infection à Escherichia coli (E. coli) peut entraîner la diarrhée sur une longue durée : une toxine (en vert sur visuel) produite par la bactérie a également d'autres effets sur le tube digestif humain. Cette toxine modifie en effet l'expression des gènes dans les cellules qui tapissent l'intestin, les induisant à produire une protéine que la bactérie utilise ensuite pour se fixer durablement à la paroi intestinale. Ce mécanisme infectieux décrypté dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine constitue une nouvelle cible prometteuse pour de nouveaux traitements.
Si pour les habitants des pays riches, la diarrhée n'est généralement rien de plus qu'un inconvénient inconfortable qui dure quelques jours, la diarrhée associée à E. coli peut entraîner des conséquences sévères sur la santé dont la déshydratation, la dénutrition, un retard de croissance et des déficits cognitifs chez les enfants des pays pauvres. Depuis l’arrivée de la thérapie de réhydratation orale (ORT), dans les années 1970, les décès dus à la diarrhée ont chuté de plus de 80% dans le monde. Cependant, la thérapie ne s’attaque pas au nombre de cas.
Diarrhée associée à E. coli et troubles nutritionnels à long terme
En identifiant le rôle clé de cette toxine produite par E. coli, l’équipe de Saint-Louis apporte un indice sur les mécanismes corrélant des épisodes de diarrhée de courte durée à la diarrhée chronique et à des problèmes nutritionnels à long terme. L'auteur principal, le Dr James M. Fleckenstein, professeur de médecine et de microbiologie moléculaire explique que « la bactérie ne fait que modifier la muqueuse de l'intestin pour en tirer profit, au détriment de l'hôte ». L’équipe montre que la toxine thermolabile de la bactérie provoque l'ouverture des canaux ioniques sur les cellules intestinales, déclenchant un déversement d'eau et d'électrolytes dans le tube digestif, en d'autres termes, la diarrhée.
La toxine pourrait faire plus que provoquer une diarrhée aiguë et une déshydratation ? C’est l’hypothèse poursuivie ici par les chercheurs : ils ont cultivé des cellules intestinales humaines en laboratoire puis les ont exposées à la toxine. Ils constatent que la toxine active un ensemble de gènes appelés CEACAM.
Un de ces gènes en particulier – CEACAM6 – code pour une protéine qui se trouve normalement dans les cellules de l'intestin grêle à de faibles niveaux.
La toxine induit les cellules à produire plus de CEACAM6, que la bactérie utilise ensuite pour se fixer aux cellules intestinales et délivrer encore plus de toxine.
Enfin, à partir de biopsies intestinales de patients infectés par E. coli, les scientifiques montrent que l'expression de CEACAM6 augmente naturellement dans l'intestin grêle au cours de l’infection. CEACAM6 est exprimée dans la bordure en brosse (villosités) de l'intestin grêle, où toutes les vitamines et les nutriments sont absorbés.
Ainsi, en modifiant la muqueuse intestinale, la bactérie réduit sa capacité à absorber les nutriments.
« Nous tentons de comprendre en laboratoire le mécanisme de E. coli et les effets de ses toxines ainsi dont les effets non diarrhéiques. Nous commençons à mieux comprendre comment ces toxines peuvent être liées à ces conséquences nutritionnelles à long terme ».
Source: PNAS November 2, 2020 DOI: 10.1073/pnas.2012480117 CEACAMs serve as toxin-stimulated receptors for enterotoxigenic Escherichia coli
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