Médiatisation, prise de conscience de la maladie chez les médecins comme chez les patients mais aussi facteurs alimentaires et environnementaux, la prévalence de la maladie cœliaque a fortement augmenté au cours des dernières décennies pour atteindre environ 1% de la population. Mais en dehors de tout diagnostic de maladie cœliaque, on constate également une prévalence accrue d’une sensibilité au gluten et de toute une série de troubles gastro-intestinaux associés à l’ingestion de gluten. Cette étude de la Columbia University montre que les symptômes rapportés par les personnes atteintes par cette sensibilité au gluten sont bien réels et détectables selon des critères biologiques. Des conclusions présentées dans la revue Gut qui différencient nettement les 2 conditions, maladie cœliaque vs sensibilité au gluten non-cœliaque .
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune au cours de laquelle le système immunitaire attaque par erreur la muqueuse de l'intestin grêle en réponse à l'ingestion du gluten du blé, du seigle ou de l'orge, cette réponse auto-immune déclenchant toute une série de symptômes gastro-intestinaux, comme des douleurs abdominales, la diarrhée et des ballonnements. Certaines personnes, cependant présentent, à l'ingestion de gluten, des symptômes similaires ainsi que certains symptômes extra-intestinaux, tels que la fatigue, des troubles cognitifs ou de l'humeur, sans pour autant présenter les biomarqueurs sanguins, génétiques ou inflammatoires de la maladie coeliaque. Une explication de cette condition, connue sous le nom de « sensibilité au gluten » serait que l'exposition au gluten déclenche une activation immunitaire systémique aiguë, plutôt qu'une réponse auto-immune strictement localisée à l'intestin. Aujourd'hui, on ne connaît pas de biomarqueurs de la sensibilité au gluten, ce qui prête à débat sur l'existence même de cette condition. Cette étude pourrait expliquer pourquoi ces personnes qui ne répondent pas au diagnostic de la maladie cœliaque, présentent néanmoins des symptômes réels, après l'ingestion de blé et de céréales apparentées. Ses résultats suggèrent que cette « sensibilité au gluten » serait liée à un affaiblissement de la barrière intestinale, entraînant cette réponse immunitaire inflammatoire systémique.
Le Dr Peter H. Green, professeur de médecine et directeur du Centre de la maladie cœliaque de la Columbia, confirme ainsi que son étude va permettre de démontrer qu'il existe une base biologique pour ces symptômes chez la majorité des patients sensibles au gluten. Son équipe a suivi 80 participants sensibles au gluten, 40 atteints de la maladie cœliaqueet 40 témoins sains exempts de toute sensibilité au gluten. Cette étude constate :
· Dans le cas de la maladie cœliaque, en dépit de lésions intestinales étendues, l'absence d'augmentation des marqueurs sanguins d'activation immunitaire innée. Cette observation suggère que la réponse auto-immune intestinale chez les patients atteints de la maladie cœliaque est capable de neutraliser les microbes ou les composants microbiens qui peuvent passer à travers la barrière intestinale endommagée, ce qui préserve d'une réponse inflammatoire systémique.
· Chez les patients sensibles au gluten, il existe des marqueurs de dommages cellulaires intestinaux en corrélation avec des marqueurs sérologiques de l'activation immunitaire systémique aiguë. Les observations suggèrent que l'activation immunitaire systémique est liée à l'augmentation de la translocation (ou du passage) de composants microbiens à travers la barrière intestinale, ce qui entraîne des dommages aux cellules intestinales et un affaiblissement encore accru de la barrière intestinale.Cette constatation permet également d'expliquer l'apparition généralement rapide des symptômes chez ces patients sensibles mais non atteints de la maladie cœliaque.
Quel traitement ? Ici, ces patients ont suivi un régime alimentaire excluant le blé et les céréales à gluten durant 6 mois. A l'issue de ce régime, leurs niveaux d'activation immunitaire et les biomarqueurs reviennent à la normale. Ces changements sont associés à une réduction significative des symptômes intestinaux et non-intestinaux.
L'idée d'une combinaison de biomarqueurs pour détecter la sensibilité au gluten non-cœliaque : c'est bien l'objectif de cette équipe qui conclut : « cette étude modifie le paradigme de notre reconnaissance et de notre compréhension de la sensibilité au gluten non-cœliaque et a des implications pour son diagnostic et son traitement. Compte tenu du grand nombre de personnes concernées, c'est un domaine de recherche important qui mérite plus d'attention et de financement ».
Gut July, 2016 doi:10.1136/gutjnl-2016-311964 Intestinal cell damage and systemic immune activation in individuals reporting sensitivity to wheat in the absence of coeliac disease
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