On connaît de mieux en mieux le lien entre la santé cardiovasculaire liée aux niveaux de cholestérol (LDL) et le risque de démence. Mais il est une autre voie, moins connue, par laquelle le cholestérol influence aussi le risque de démence. C’est le propos de cette recherche originale, menée au National Institute on Aging (NIA/NIH) qui décrypte dans la revue PLoS Medicine, la façon dont le cholestérol se décompose dans le corps, un processus qui, dans certains cas, peut accélérer la progression de la démence.
Si la barrière hémato-encéphalique est imperméable au cholestérol, un cholestérol sanguin élevé est néanmoins associé à un risque accru de maladie d'Alzheimer et de démence vasculaire. Cependant, les mécanismes sous-jacents à cette relation restent mal compris. Les scientifiques montrent ici que des perturbations dans la conversion du cholestérol en acides biliaires ou catabolisme du cholestérol peuvent jouer un rôle dans le développement de la démence. Parallèlement, certains médicaments hypolipémiants qui interviennent sur le catabolisme du cholestérol, pourraient avoir un impact sur des voies de signalisation du cerveau impliquées dans le développement de la démence.
Comment le cholestérol participe au risque de démence ?
Une meilleure compréhension des processus sous-jacents à cette relation entre cholestérol et démence -ou « Alzheimer »- pourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques. Les chercheurs se concentrent ici sur les anomalies du catabolisme du cholestérol par sa conversion en acides biliaires via le suivi de 1.800 participants initialement à 2 études prospectives, la Baltimore Longitudinal Study of Aging (BLSA) et l'Alzheimer's Disease Neuroimaging Initiative (ADNI). L’équipe a regardé si le catabolisme du cholestérol était associé à des anomalies cérébrales typiques de la maladie d'Alzheimer et de la démence vasculaire. Puis l’équipe a testé si l'exposition à des médicaments contre le cholestérol qui bloquent l'absorption des acides biliaires dans la circulation sanguine était associée à un risque accru de démence chez plus de 26.000 patients du système de santé britannique. Enfin, l’analyse d’échantillons d'autopsie leur a permis d’évaluer les niveaux d'acides biliaires dans le cerveau de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Ces différentes analyses constatent que :
- des concentrations sériques plus faibles de 7α-OHC (ou précurseur du cholestérol), d’acide cholique et d’acide chénodésoxycholique, des acides biliaires primaires s’avèrent associées à un dépôt amyloïde cérébral plus élevé, à une accumulation plus rapide de lésions de la substance blanche et à une atrophie cérébrale également plus rapide principalement chez les hommes ;
- le risque de démence vasculaire augmente chez les hommes, mais pas chez les femmes, avec un plus grand nombre de prescriptions de chélateurs (ou séquestrants) d'acides biliaires : précisément, une concentration sérique plus faible d’acides biliaires, principalement chez les hommes, est associée à des marqueurs de neuroimagerie de démence ;
- cette baisse pharmacologique des niveaux d’acides biliaires peut être associée à un risque plus élevé de démence vasculaire chez les hommes ;
- une dérégulation du catabolisme du cholestérol est généralement observée dans la pathogenèse de la démence ;
- cette dérégulation des voies de signalisation des acides biliaires dans le cerveau peut constituer un mécanisme biologique plausible sous-tendant ces résultats ;
- le catabolisme du cholestérol et la synthèse des acides biliaires semble donc bien exercer un impact sur la progression de la démence par le biais d'effets sexospécifiques sur certaines voies de signalisation cérébrales clés ;
« Le rôle de la dégradation du cholestérol dans la démence mérite d’être encore approfondi », commente l’auteur principal, Vijay Varma, chercheur au NIA. Cependant, prises ensemble, ces observations suggèrent déjà un nouveau mécanisme reliant les anomalies du catabolisme du cholestérol au risque de démence.
L’équipe teste actuellement des médicaments approuvés pour d'autres maladies qui peuvent corriger les anomalies de signalisation de l'acide biliaire dans le cerveau et pourraient être prometteurs contre la maladie d'Alzheimer et les autres formes de démence.
Source: PLoS Medicine May 27, 2021 DOI: 10.1371/journal.pmed.1003615 Bile acid synthesis, modulation, and dementia: A metabolomic, transcriptomic, and pharmacoepidemiologic study
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