Freiner la bactérie Campylobacter jejuni en « coupant » ses longs appendices flexibles qui lui permettent de se frayer un chemin à partir de la volaille mal cuite vers le tractus intestinal de millions de personnes intoxiquées chaque année, c’est l’objectif poursuivi par cette équipe de microbiologistes de la Division des maladies infectieuses de l'Université Augusta.
Campylobacter jejuni est l’une des causes les plus fréquentes de détresse intestinale, avec des symptômes de diarrhée, de vomissements et de douleurs à l'estomac. L'infection à Campylobacter jejuni cause chaque année 140 millions d’intoxications dans le monde et plus de 30.000 décès, principalement chez les enfants de moins de 5 ans.
Priver la bactérie de sa motilité
La motilité est l’atout principal de la bactérie équipée de flagelles longs, fins et flexibles en forme de bras qui lui permettent de manœuvrer le mucus épais du tractus gastro-intestinal, de se frayer un chemin à l'intérieur de nos cellules intestinales, puis de s'envelopper dans un biofilm protecteur.
Les flagelles agiles, chacun plus long que le corps central en forme de tire-bouchon de la bactérie, ne se contentent pas de propulser, ils aident à saisir et à maintenir la cellule que la bactérie s'efforce d'infecter et d’envahir. Ces bras essentiels, collants en raison de leur enrobage de sucre naturel, jouent également un rôle dans la construction d'un biofilm qui protège la bactérie des environnements hostiles, comme le manque de nourriture ou l'excès d'oxygène.
Arrêter la bactérie dans sa course pourrait s’avérer possible en ciblant une enzyme clé, un régulateur de réponse de la bactérie qui lui permet d'évaluer son environnement dynamique et de faire les ajustements nécessaires à sa survie.
- Une molécule ciblant cette enzyme et administrée dès l'apparition des premiers signes d'infection permettrait de geler cette mobilité. L’équipe étudie donc actuellement cette enzyme ainsi que les composés qu’elle produit et utilise pour effectuer ces ajustements. Ainsi, le di-GMP cyclique, produit par une autre protéine, CbrR, qui favorise la résistance de la bactérie à la bile est identifié comme un régulateur clé de la motilité des flagelles ;
- une autre cible possible sont les acides aminés qui fonctionnent comme éléments constitutifs des bras longs de la bactérie ; « les acides aminés, qui se combinent pour former des protéines, et les changements dans les acides aminés peuvent entraîner des changements dans la structure et la fonction d'une protéine, ils sont la clé qui permet à la bactérie de faire tous ces ajustements et de sa motilité ». Les scientifiques montrent que les acides aminés sérine et thréonine, présents dans environ la moitié des protéines des flagelles, modifient des protéines importantes pour la motilité.
- enfin, les processus qui permettent la formation du biofilm lisse sous lequel la bactérie s'abrite lorsque les conditions de vie deviennent difficiles, constitue également une cible thérapeutique possible.
En conclusion, l’équipe identifie ici de nombreuses cibles permettant
d’arrêter la bactérie dans sa course vers le tractus.
2 composés capables d’éliminer les phosphates de la sérine et de la thréonine constituent de premiers candidats pour bloquer la mobilité de la bactérie. Si dans certains cas, les bactéries intelligentes sont capables de « reprendre » la formation de flagelles en fonction de ce qui se passe dans leur environnement, empêcher la croissance des flagelles tôt dans le processus permettrait de bloquer l’infection à un stade où les envahisseurs bactériens initiaux deviendraient plus vulnérables à la réponse immunitaire.
NIAID July 2022